Les salons littéraires. Il y a ceux qui font semblant de ne pas vous voir. Qui ont si peur que vous leur adressiez la parole qu’il baissent la tête, contournent votre pupitre, regardent ailleurs l’air affolé. Tout sauf croiser votre regard comme s’ils sortaient d’un peep show. Il y a ceux qui restent une plombe, vous posent mille questions sur la genèse du livre, le soupesant l’air dubitatif, et puis qui dérivent, évoquent “un copain” qui lui aussi écrit, les auteurs qu’ils n’aiment pas, et puis Macron qui franchement, fiche n’importe quoi, nan ? Et du coup bloquent le passage d’éventuels lecteurs bien intentionnés qui voulaient juste une petite dédicace ou un bout de conversation et finissent pas repartir, las d’attendre derrière ce bavard qui repartira sans rien, pas un bouquin, à peine un au revoir ou le toujours très étonnant “bon courage !” balancé avec une réelle compassion, comme si poireauter derrière une pile de livres manifestement pas inoubliables, était une purge. Il y a ceux qui sortent un manuscrit de leur sac à dos, vous le balancent l’air fâché, ceux qui vous demandent si vous en vivez de “tout ça”, ceux qui ont vu de la lumière, et profitent de cet aréopage d’êtres humains coincés derrière des tables en formica sans possibilité de s’enfuir. Et puis il y a ces rencontres inattendues, celles avec les autres auteurs, et puis ces bavardages tombés du ciel qui vous confortent dans votre envie d’écrire la vie des autres, vous réconfortent parce que votre travail signifie parfois une entracte bien réelle dans des existences bouleversées qui, à la faveur d’une intrigue, de quelques dialogues, d’un éclat de rire, trouvent un soulagement, ne serait-ce que fugace. Ces rencontres qui vous inspirent d’autres histoires et qui, si elles n’étaient qu’une, justifierait à elle seule les heures passées penchées au-dessus du clavier.