Ça commençait dès le matin, sous les fenêtres des immeubles les plus bourgeois. Ces bruits de batterie qu’on installe, d’ampli qu’on allume (couiiiic), de guitare qu’on accorde. Toute la journée sous un soleil de plomb, alors que certains préparaient leur farine et leurs œufs pour le chant du cygne scolaire, ça se mettait en place dans une cacophonie légère et douce. En fin d’aprem ça prenait de l’ampleur. On dessinait fébrilement un trait de liner sur nos paupières lisses, on piochait un tee-shirt à message dans l’armoire et on quittait nos parents qui déambulaient avec les petits frères dans le quartier devant des quadras mélomanes pendant qu’on partait à Saint-Germain des Prés. En sortant de la bouche du métro ça faisait comme ces chapes de chaleur lorsque s’ouvre la porte de l’avion. Les notes venaient de partout. Sunday bloodie sunday qui tutoie Éric Satie et le Boléro de Ravel tandis que l’odeur de merguez envahit tout. On marchait longtemps en Doc ou en Clarks en se tenant la main parfois. Les solos grinçaient et les mignons du lycée agrippaient leur micro, c’était leur soir. Et puis le nôtre aussi parce qu’on avait une liberté folle ce jour-là. Le jour de l’été, de la jeunesse qui s’écrit et des baisers qui se volent dans la nuit. La fête de la musique a 40 ans aujourd’hui. 🎶