Comment faire contenir dans cet encadré toute l’immensité d’Etel Adnan? Peut-être en s’inspirant de sa vie, plus vive et vivante que la vie, sa vie qui contenait mille vies. Tour à tour autrice, réalisatrice, poétesse, peintre, entre le Liban, la Californie et la France, Etel n’a cessé de voguer entre les mondes et les mots. « Je suis un fleuve. » écrivait-elle dans Nuit (2017) A la fois peintre des mots et poétesse des huiles et des aquarelles, elle aimait dessiner sur des toiles couchées, « comme des pages blanches », et elle disait « écrire, c’est dessiner. » Peut-être en s’arrêtant sur ses yeux où elle conservait, intacts, jusqu’à ses 96 ans, les trésors de l’enfance, au milieu d’un regard d’une justesse folle qu’elle posait sur son époque. Peut-être en regardant ses toiles où elle repoussait l’horizon, où elle faisait parler les montagnes, où elle donnait une couleur au temps, où ses soleils devenaient des lunes en plein jour. Etel Adnan est partie dans son sommeil, dans la nuit de samedi à dimanche. Où trouver les mots qui soient à la hauteur du trésor national qu’elle est ? Peut-être en puisant dans les siens, « Aujourd’hui je vois l’éternité partout. » (Shifting the Silence, 2020). Ses mots sont les rayons du soleil qu’elle était. Etel était comme ses soleils, simplement éternelle. Il y a dix jours seulement, j’ai eu la chance de passer un moment avec elle à Paris. Elle m’a longtemps parlé du Liban qui ne cesse d’occuper ses pensées, du matin où elle avait l’habitude d’éplucher @lorientlejour_olj , jusqu’à la nuit où elle refermait ses yeux d’éternelle enfant en repensant au ciel rose du Liban. « Une nuance de rose qui n’existe nulle part ailleurs. » m’avait-elle juré de sa voix de vieille enfant. Ce jour-là, Etel portait un pull de la même couleur. Etel était aussi immense qu’un ciel (rose). Il est impossible de contenir l’immensité du ciel. Il est impossible que le ciel meure. Il est impossible de mourir quand on est éternelle. Etel (le) restera. 🌹❤️